La lettre de Guy Môquet sera bien lue le 22 octobre

Publié le par Lova Pourrier


Châteaubriant, le 22 octobre 1941

Ma petite maman chérie,
Mon tout petit frère adoré,
Mon petit papa aimé,

Je vais mourir ! Ce que je vous demande, à toi en particulier petite maman, c’est d’être très courageuse. Je le suis et je veux l’être autant que ceux qui sont passés avant moi. Certes, j’aurais voulu vivre, mais ce que je souhaite de tout mon coeur, c’est que ma mort serve à quelque chose. Je n’ai pas eu le temps d’embrasser Jean. J’ai embrassé mes deux frères Roger et René (1). Quant à mon véritable (2), je ne peux le faire, hélas ! j’espère que toutes mes affaires te seront renvoyées, elles pourront servir à Serge qui, je l’escompte, sera fier de les porter un jour.

À toi, petit papa, si je t’ai fait ainsi qu’à ma petite maman bien des peines, je te salue pour la dernière fois. Sache que j’ai fait de mon mieux pour suivre la voie que tu m’as tracée.

Un dernier adieu à tous mes amis, à mon frère que j’aime beaucoup, qu’il étudie, qu’il étudie bien pour être plus tard un homme.
17 ans et demie (sic), ma vie a été courte, je n’ai aucun regret, si ce n’est de vous quitter tous. Je vais mourir avec Tintin, Michels (3). Maman, ce que je te demande, ce que je veux que tu me promettes, c’est d’être courageuse et de surmonter ta peine.

Je ne peux pas en mettre davantage, je vous quitte tous, toutes, toi maman, Séserge, papa, en vous embrassant de
tout mon coeur d’enfant. Courage !

Votre Guy qui vous aime.
Guy.

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C'est par ces mots que Guy Môquet fit ses adieux à sa famille avant son exécution le 22 octobre 1941. Il sera fusillé avec 26 de ses camarades en représailles de l'assassinat de Karl Hotz.
Il était le plus jeune des 27 otages assassinés au camp de Châteaubriant.

C'est la lecture de cette lettre tous les 22 octobre que Nicolas Sarkozy avait rendu obligatoire il y a deux ans, suscitant alors de nombreuses polémiques. Le principal reproche qui lui était fait était la récupération politique, l'instrumentalisation de l'Histoire. Faire de l'Histoire bling-bling en quelque sorte. Le SNES, principal syndicat des enseignants du second degré, avait appelé à ne pas lire cette lettre pour refuser "l'instrumentalisation du devoir de mémoire".

Un texte officiel publié fin septembre dernier laissait entendre que cette lecture n'était plus obligatoire, mais Luc Châtel a confirmé sur RTL qu'elle serait bien lue dans les lycées. "Elle sera lue, elle servira de base à la discussion", a-t-il expliqué, assurant que la démarche pour ce 22 octobre 2009 serait la même que l'année dernière.


Guy Môquet est né à Paris en 1924. Il poursuit des études secondaires au lycée Carnot lorsque surviennent la déclaration de guerre et l’internement de son père, député communiste.
Militant de la Jeunesse communiste, il monte, dès l’été 1940, avec ses camarades, des groupes d’impression, de distribution de tracts clandestins et de collage de papillons.

(Guy Môquet et son frère Serge)

Arrêté le 13 octobre 1940 à la gare de l’Est par la police française alors qu'il distribuait des tracts, il est interné à la Santé puis à Fresnes. Libéré le 24 janvier 1941, il est gardé au Dépôt puis transféré, comme interné administratif, à la Santé, à Clairvaux et enfin, en mai 1941, au camp de Choisel (Châteaubriant).

Désigné comme otage le 22 octobre au matin, il est fusillé le même jour à la Carrière de la Sablière.
Depuis lors, Guy Môquet est devenu un symbole pour de nombreux groupes de Résistance.

(Guy Môquet, son frère et sa mère)

Ce qui est étonnant, c'est qu'on oublie qu'il était militant communiste, plus que résistant. (On a toutefois pris soin de remplacer le mot "camarades" par compagnons dans le communiqué officiel).
Les mots qui ornent les planches de la baraque 6, où étaient consignés le jeune Guy et ses camarades, le montrent d'ailleurs bien :

« NOUS VAINCRONS QUAND MEME. »
Jean Grandel

« VIVE LE PARTI COMMUNISTE. QUELQUES MOMENTS AVANT DE MOURIR. FUSILLE PAR LES ALLEMANDS. BAISERS A MA FEMME ET A MON CHER MICHEL. »
Jules Vercruysse

« CAMARADES QUI RESTEZ SOYEZ COURAGEUX ET CONFIANTS DANS L’AVENIR. »
Les 27

« JE MEURS COURAGEUX ET PLEIN DE FOI REVOLUTIONNAIRE. »
Maurice Gardette

« ADIEU ! ADIEU ! CAMARADES PRENEZ COURAGE. NOUS SERONS VAINQUEURS. VIVE L’UNION SOVIETIQUE. »
Jules Auffret

« VIVE LE PARTI COMMUNISTE QUI FERA UNE FRANCE LIBRE FORTE ET HEUREUSE. »
Titus Bartoli

« MORT POUR SON PARTI ET LA FRANCE. »
Edmond Lefevre

« LES CAMARADES QUI RESTEZ SOYEZ DIGNES DE NOUS QUI ALLONS MOURIR. »
Guy Môquet

« VIVE LA FRANCE. » Charles Michels

« LES 27 QUI VONT MOURIR GARDENT LEUR COURAGE ET LEUR ESPOIR EN LA LUTTE FINALE, LA VICTOIRE DE L’URSS ET LA LIBERATION DES PEUPLES OPRIMEES. »
Emile David

« VIVE LE PC QUI FERA UNE FRANCE LIBRE, FORTE ET HEUREUSE. »
Thimbaud, Barthélémy, Pourchasse

« ADIEU ADIEU CAMARADES PRENEZ COURAGE NOUS SERONS VAINQUEURS. VIVE L’UNION SOVIETIQUE ! JULIEN FUSILLE PAR LES ALLEMANDS. »
Julien Lepanse

« AVANT DE MOURIR LES 27 SE SONT MONTRES D’UN COURAGE ADMIRABLE. ILS SAVAIENT QUE LEUR SACRIFICE NE SERAIT PAS VAIN ET QUE LA CAUSE POUR LAQUELLE ILS ONT LUTTEE TRIOMPHERA BIENTOT. VIVE LE PARTI COMMUNISTE. VIVE LA FRANCE LIBEREE. »
Timbaud. Poulmarch. Pourchasse.


Mais pour moi, son obédience communiste importe peu. Au-delà de toute considération politique, rappelons-nous que c'est un jeune homme, un enfant, qui est mort pour sa patrie. S'il y a quelque chose à retenir de cette commémoration, c'est bien l'horreur de la guerre et de l'occupation.   
Souvenons-nous de ce martyr, et de tous ceux dont on parle moins.
Et pas seulement le 22 octobre ou dans les lycées.



Notes :
(1) Jean Mercier, Roger Semat, Rino Scolari.
(2) Serge, le frère de Guy Môquet.
(3) Jean-Pierre Timbaud, ami de Guy Môquet [...], et Charles Michels, trente-huit ans, député communiste de Paris,
fusillés à La Sablière le 22 octobre 1941.

Source : Dernière lettre de Guy Môquet à sa famille, 22 octobre 1941 (© MRN, fonds Môquet-Saffray)
Lettres choisies et présentées par Guy Krivopissko (2003), La vie à en mourir. Lettres de Fusillés
(1941-1944)
, Éditions Tallandier, Paris, p. 85.

Publié dans Un peu d'Histoire

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